Aminata Traoré a également un rôle dans le film Bamako
Melé est chanteuse dans un bar, son mari Chaka est sans travail, le couple se déchire. Dans la cour de la maison qu'il partagent avec d'autres familles, un tribunal a été installé. Des représentants de la société civile africaine ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque Mondiale et le FMI qu'ils jugent responsables du drame qui secoue l'Afrique. Entre plaidoiries et témoignages, la vie continue dans la cour. Chaka semble indifférent à cette volonté inédite de l'Afrique de réclamer ses droits. Pris dans l'étau de la dette et de l'ajustement structurel, le continent africain doit lutter pour sa survie. Le nouveau film d'Abderrahmane Sissako est une comédie surprenante, traitant d'un sujet si sérieux que le destin de l'Afrique. Mais ce ton léger n'empêche pas, au contraire, que les choses soient dites. Le cinéma africain nouveau est arrivé! Et c'est un cinéma qui tourne le dos au folklore sans abandonner ses responsabilités. Abderrhamane Sissako, s'il suit les traces de ses prédécesseurs, comme Sembène Ousmane ou Souleymane Cissé, place délibérément les enjeux de son cinéma dans le monde (global) d'aujourd'hui. Il n'abandonne pourtant pas sa caméra poétique qui sait suivre les visages et les corps. Mais il a compris qu'il n'est plus temps de se cacher derrière les allégories traditionnelles. L'Afrique est en danger et il le (dé)montre, crûment, sans fioritures. Mais avec les effets de manche des avocats, l'analyse du traitement qui est fait au continent noir est lumineuse, les mots, dans d'autres circonstances abscons, sont clairs comme de l'eau de roche. La duplicité du monde occidental est pointée du doigt, avec fermeté, mais aussi, et surtout, avec humour. Cette lumière se retrouve dans les plans choisis pour repérer la vie qui vaque, qui pleure, à première vue indifférente à cette cour de justice qui envahit la concession. A première vue seulement, car les regards ne trompent pas, les oreilles écoutent, même si les mains continuent leurs tâches quotidiennes. C'est tout le génie du réalisateur d'avoir su lier des éléments si contradictoires, d'avoir su saisir la vie dont il est question, en termes juridiques, tout au long des plaidoiries. Du coup, tout devient clair et les enjeux auxquels fait face l'Afrique nous sont évidents. Un vrai cinéma engagé parce que poétique où les toges des avocats, ne sont plus que des boubous noirs qui ont triste mine, comparés aux couleurs chatoyantes de ceux que portent les femmes dans ce prétoire extraordinaire. L’Afrique va mal : à qui la faute?